To view original article click here
Québec Science
June-July Issue, 2013
In a shocking new book (Everyone is crazy: The influence of the pharmaceutical industry on psychiatry, Montreal, Écosociété, 2013), philosopher Jean-Claude St-Onge passionately denounces the collusion between psychiatry and the pharmaceutical industry. According to him, behind the epidemic of mental illness is a shameful business.
Q : In your opinion, in the United States, Canada and Quebec, we are not sufficiently alarmed about the rapid spread of an epidemic of “mental illness”.
In 60 years, the number of mental disorders listed in the Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders – better known by its acronym DSM – increased from 60 to over 400. In the United States, consumption of psychotropic drugs increased 4,800% over the past 26 years! In Canada, in 2010, psychotherapeutic agents were the second most prescribed drugs with 64.8 million prescriptions, about 2 per Canadian, whereas in the early 1980s, psychotropics did not appear on the list of the top 15 categories of prescription drugs.
Quebec has not escaped this trend. A third of antidepressant prescriptions in Canada are made by psychiatrists and Quebec physicians. In 2010, 13 million prescriptions were issued in Quebec. One in seven Quebecers came out of his doctor’s office with a prescription for antidepressants. This is scary!
Q: On what basis do you say that the pharmaceutical industry is largely behind theproliferation of mental illness?
In the United States, psychiatrists dominate the list of physicians who have received funding from the pharmaceutical industry. Approximately 68% of the members of the Working Group on DSM who published a new version of the manual , DSM-5 , have close financial ties to the pharmaceutical industry, as do 90% of the authors of the American Psychiatric Association (APA ) guidelines for the treatment of schizophrenia, major depression and bipolar disorder . (…)
Q: Isn’t it a bit simplistic to reduce the world of psychiatry at a sordid financial business?
The pharmaceutical industry is a gold mine. The overwhelming increase in demand for drugs, particularly psychotropic drugs, largely explains why this industry remains the most profitable. I quote in my book very compelling data that corroborates this assertion. Between 1995 and 2006, the profitability of major pharmaceutical groups was 3.6 times higher than the average of the 500 largest companies listed in the U.S. financial magazine Fortune. Let’s face it! The shameless exploitation of unwellness is extremely lucrative for pharmaceutical companies who are willing to do anything to satisfy the insatiable appetite of their shareholders.
Q: You strongly deplore bio-psychiatry and its medicalization of human distress .
Many people suffer. Does this mean that their brains are broken, unbalanced? According to theses ardently promoted by the missionaries of bio-psychiatry, psychological suffering results from a chemical imbalance in the brain, independent of the social and personal circumstances of patients. The outrageous medicalization of distress raises fundamental questions we cannot avoid. Users of mental health services are not beneficiaries, clients, or crazy, but human beings . (…)
Does the DSM therefore play a key role in the field of mental illness?
Absolutely. This manual defines who is sane and who is mad. It is used worldwide by psychiatrists, psychologists, lawyers who hope to exonerate their clients by pleading mental illness, parents who require special education services for their children, insurance companies seeking to justify the reimbursement of certain medical treatments, etc. A diagnosis of mental illness can make you lose your children during a divorce or make it difficult to find a job. Receiving a diagnosis is extremely stigmatizing.
Read the full interview in this issue of June-July 2013.
La fabrique des fous
Québec Science
juin-juillet 2013
Le philosophe Jean-Claude St-Onge dénonce avec fougue, dans un livre-choc (Tous fous : L’influence de l’industrie pharmaceutique sur la psychiatrie, Montréal, Écosociété, 2013), la collusion entre la bio-psychiatrie et l’industrie pharmaceutique. Selon lui, derrière l’épidémie des troubles de santé mentale se cache un business éhonté.
QS: D’après vous, nous assistons, impavides, aux États-Unis, au Canada et au Québec, à la propagation fulgurante d’une épidémie de supposées maladies mentales.
En 60 ans, le nombre des troubles mentaux répertoriés dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux – mieux connu sous son acronyme anglais DSM –, est passé de 60 à plus de 400. Aux États-Unis, la consommation de psychotropes a augmenté de 4 800% au cours des 26 dernières années! Au Canada, en 2010, les agents psychothérapeutiques figuraient au deuxième rang des médicaments les plus prescrits avec 64,8 millions d’ordonnances, soit environ 2 ordonnances par Canadien, alors que, au début des années 1980, les psychotropes n’apparaissaient pas sur la liste des 15 premières catégories de médicaments prescrits. Le Québec n’a pas échappé à cette tendance. Un tiers des prescriptions d’antidépresseurs au Canada sont faites par des psychiatres et des médecins québécois. En 2010, 13 millions d’ordonnances ont été délivrées au Québec. Un Québécois sur sept est sorti du bureau de son médecin avec une prescription d’antidépresseur. C’est effarant!
QS: Sur quoi vous fondez-vous pour affirmer que cette prolifération des maladies mentales est largement soutenue par l’industrie pharmaceutique?
Aux États-Unis, les psychiatres dominent la liste des médecins ayant reçu des fonds de l’industrie pharmaceutique. Environ 68% des membres du Groupe de travail sur le DSM qui viennent de publier une nouvelle version du manuel, le DSM-5, entretiennent des liens financiers étroits avec l’industrie pharmaceutique, comme aussi 90% des auteurs des guides pratiques de la American Psychiatric Association (APA) pour le traitement de la schizophrénie, de la dépression majeure et de la bipolarité. (…)
QS: N’est-ce pas un peu simpliste de réduire le monde de la psychiatrie à une sordide entreprise financière?
L’industrie pharmaceutique est une véritable mine d’or. L’augmentation foudroyante d’ordonnances, en particulier de psychotropes, explique pourquoi cette industrie s’est la plupart du temps maintenue en première position en ce qui a trait à la rentabilité. Je cite dans mon livre des données très éloquentes qui corroborent cette assertion. Entre 1995 et 2006, la rentabilité des grands groupes pharmaceutiques était 3,6 fois plus élevée que la moyenne des 500 plus grandes compagnies figurant sur la liste du magazine financier états-unien Fortune. Ne nous leurrons pas! L’exploitation éhontée du mal-être est extrêmement lucrative pour les compagnies pharmaceutiques qui sont prêtes à tout pour satisfaire l’appétit insatiable de leurs actionnaires.
QS: Vous déplorez vivement que la bio-psychiatrie médicalise la détresse humaine.
Beaucoup de gens souffrent. Est-ce que ça veut dire que leur cerveau est cassé, déséquilibré? D’après les thèses ardemment défendues par les hérauts de la bio-psychiatrie, la souffrance psychologique résulterait d’un déséquilibre chimique dans le cerveau, sans égard au contexte social et personnel des patients. La médicalisation outrancière de la détresse soulève des questions fondamentales qu’on ne peut pas éluder. Les usagers des services en santé mentale ne sont pas des bénéficiaires, des clients ou des fous, mais des êtres humains. (…)
Le DSM jouerait donc un rôle déterminant dans le champ de la maladie mentale?
Absolument. Ce manuel définit qui est sain d’esprit et qui est fou. Il est utilisé partout dans le monde par les psychiatres, les psychologues, les avocats qui espèrent innocenter leurs clients en plaidant la maladie mentale, les parents qui exigent la prestation de services pédagogiques particuliers pour leurs enfants, les compagnies d’assurance pour justifier le remboursement de certains traitements médicaux, etc. Un diagnostic de maladie mentale peut faire en sorte que vous perdiez vos enfants lors d’un divorce ou que vous ayez de la difficulté à trouver un emploi. Recevoir un tel diagnostic, c’est extrêmement stigmatisant.
Lire l’intégralité de l’entrevue dans notre numéro de juin-juillet 2013.
Illustration: Aaron McConomy/Collagene.com
Jean-Claude St-Onge (né en 1941[réf. souhaitée]) est un professeur, écrivain et philosophe québécois. Il est enseignant au collégial en philosophie au Collège Lionel-Groulx. Il a également enseigné les sciences économiques pendant plusieurs années.
Sommaire Biographie
Jean-Claude St-Onge est professeur de philosophie à la retraite et docteur en socio-économie. Il a publié, chez Écosociété, L’imposture néolibérale (2000), Les dérives de l’industrie de la santé (2006) et L’envers de la pilule (2008). Ce dernier ouvrage a obtenu le prix Orange de l’Association des groupes d’intervention en défense des droits en santé mentale du Québec.